De minuscules points dans l'immensité
Départ tôt ce matin le ventre vide. Pas de miracle. Pas le moindre café ouvert avant 9 heures pour prendre un petit déjeûner. Nous sortons de la ville et franchissons la rivière Oja en empruntant le pont édifié par Santo Domingo et nous atteignons le village de Grañon où un food truck accueille les marcheurs.
En quittant Grañon, nous entrons dans la province de Burgos. nous traversons de grands espaces encadrés par des collines herbeuses. La vue extrêmement dégagée augmente l'impression d'immensité. Les marcheurs, nombreux pourtant , ne sont plus que minuscules points en mouvement.
Ils disparaissent même des photos qu'il faut agrandir pour leur redonner vie.
Même les poids lourds si bruyants quand on s'en rapproche, restent à peine perceptibles à la vue
Minuscules mais bien vivants. Souvent les marcheurs restent silencieux et se tiennent à distance les uns des autres. Ils sont pourtant bavards, mais silencieusement. Les mots affluent mais ne quittent pas leur cerveau. Ils sont dits, voire articulés silencieusement. Les cordes vocales ne sont pas sollicitées pour leur donner vie concrètement. La marche dope la pensée. Tout y passe, la famille, les amis, les états d'âme, les grands problèmes existentiels...Le tout dans un grand silence rythmé par le battement régulier des pas et des bâtons sur le sol.
Tous les marcheurs sont à des rythmes très différents : on en distingue trois catégories sur le chemin :
- Les PPV (pèlerins à petite vitesse, 15/20 km par jour à peine 4 km/h)
- Les PMV( Moyenne vitesse, 20 km par jour ou un peu plus à 4 km/h ou un petit peu plus. Vous nous avez reconnus.
- Les PGV ( Grande Vitesse entre 30 et 45 km par jour à 5 km/ heure ou un peu plus ). À midi nous avons déjeûné avec l'un d'eux. Son étape du jour 45 km. Il a quitté St Jean Pied de port 5 jours plus tôt. On a évité de lui dire que nous c'était il y a trois ans!
La palette dorée des blés moissonnés s'enrichit de brun foncé. Nous longeons, en effet, pour la première fois depuis notre départ, des champs de tournesol grillés par le soleil.
Au détour d'une colline apparaissent soudain des petits villages endormis, aux clochers carrés. Plusieurs de ces églises renferment des fonds baptismaux romans du XIIe siècle, finement ciselés.
Ce soir nous dormons chez l'habitant en chambre d'hôtes dans un de ces petits villages, à un kilomètre du chemin et nous nous régalons d'un repas familial avec oeufs ratatouille en entrée et sauté de veau pour continuer, accompagné d'un agréable vin rouge de la Rioja.