En traversant la meseta
A Rabe de la Calzada tout est mis en oeuvre pour interroger notre culture et notre identité de pèlerins et de marcheurs. Souvent les petits hôtels ruraux comme celui de la Fuente possèdent un mur de dédicaces où les pèlerins venus du monde entier laissent un petit mot ou collent un souvenir. Quelle message derrière ce geste ? Tous différents, tous pareils? tous humains, tous marcheurs?
Les nombreuses fresques murales du village nous questionnent : pourquoi marchons- nous, où allons nous, que cherchons nous sur le chemin?
Ce qui domine au fond, ce qui nous réunit , au delà de l'identité chrétienne très marquée chez certains pèlerins, c'est un message de paix, de tolérance, d'ouverture sur autrui particulièrement présent sur la fresque dédiée à ces trois grands militants de la paix que sont Ghandi, Einstein et Martin Luther King.
Le chemin, à la sortie de Rabe s'ouvre sur la meseta (le plateau ) désertique et ventée de cette partie de l'Espagne. L'absence de soleil au départ, le ciel gris et sans éclat lui donnent une tonalité triste. Chaque marcheur a tendance à s'isoler et à marcher en silence. Peu de paroles, comme si chacun cherchait à se retrouver avec soi-même.
Puis l'atmosphère change totalement lorsque le soleil éclaire à nouveau le chemin et les cultures céréalières. Tout comme les fresques murales, cette traversée est propice à la méditation et au retour sur soi. Marcher c'est, à la fois, aller à la découverte d'espaces inconnus, c'est venir pacifiquement à la découverte du monde des autres; c'est aussi une introspection associée à une recherche de paix avec soi même. C'est en quelque sorte une marche vers soi même.
Il ne s'agit pas de se retourner vers son passé pour se découvrir. Quand on marche on regarde devant soi, c'est un mouvement vers l'avant.C'est une démarche qui illustre l'adage :" le plus beau chemin c'est celui que l'on prend pour aller vers soi".
L' édification de cairns tout au long du chemin où chacun dépose un caillou, participe sans doute à cette quête de la paix avec autrui et avec soi. En déposant un caillou on donne quelque chose de soi tous ensemble aux autres tout en s'allégeant d'un poids peut - être trop lourd à porter.
On voit de temps en temps des chaussures abandonnées sur le bord du chemin. Les chaussures souffrent, les pieds et les membres inférieurs également. Les organismes sont fortement sollicités. Les jeunes, comme les vieux boitillent ou portent des genouillères. Cela n'a rien à voir avec l'âge.
La pluie nous prend quelques kilomètres avant d'atteindre notre destination.
Nous dormons à Hontanas dans une petite auberge et partageons une paella maison. A notre table ce soir, des italiens, une brésilienne, un cubain et une espagnole.
Ce matin nous partons pour seulement 9 km à travers un paysage très différent. Nous longeons le lit d'une rivière. Un doux vert nous accompagne .
Il est difficile d'équilibrer les distances car il a été compliqué de trouver des chambres libres; demain 25 km au programme. La courte distance du jour nous permettra de bien profiter de la richesse du patrimoine local.
En chemin, arrêt aux ruines du couvent Saint Antoine. Les moines de Saint Antoine y accueillaient les pèlerins souffrant du feu de Saint Antoine, maladie très répandue au Xème siècle.
Et en arrivant, promenade dans Castrojeriz et visite de l'église de la vierge du pommier. Superbe retable.
Il est temps de nous reposer car demain, une longue marche à la découverte de nous-mêmes nous attend !